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Lundi 7 avril, 10h, entretien téléphonique avec Nicolas Pavone.

Chacun perçoit la sensibilité des autres en fonction de la sienne. C’est pourquoi il y a des artistes, des Å“uvres qui nous touchent davantage que d’autres. Cette accroche, cette appréciation, se produisent souvent après des connexions conscientes, évidentes, entre le spectateur et la perception qu’il a de l’œuvre ; celle-ci fait écho à sa propre vie, son expérience, et surtout son ressenti. 
Mais nous pouvons également être sensibles à quelque chose qui sort totalement de notre cadre familier. Ce n’est alors peut-être pas le sujet qui nous touche avec limpidité, mais plutôt la technique, l’équilibre général de la composition et l’émotion produite par tout un processus de création. C’est cela qui m’a intéressée dans le travail de Nicolas Pavone, ce qu’il arrivait à produire comme émotion au travers d’un sujet qui en soit ne m’est pas coutumier : les fleurs. 

Nicolas Pavone ne fait pas que photographier des fleurs, il compose avec elles, les sublime et multiplient leurs volumes, leurs couleurs, leurs mouvements, par l’utilisation de miroirs, éléments indissociables de son travail. Et il transpose ainsi la réalité sur laquelle il influe, dans un univers « fururiste Â» dont il construit l’équilibre. 

Fleuriste de métier, Nicolas Pavone a commencé à faire de la photographie en même temps qu’il a commencé à travailler les fleurs. Ses deux activités s’entremêlent et s’inspirent l’une de l’autre. 
La passion de la nature, et principalement des fleurs, s’est révélée très tôt à Nicolas. « Je devais avoir 13 ou 14 ans, je me revoie enfant en train d’élaborer un bouquet, et mon père me prenait en photo. C’est à partir de là que j’ai pris conscience que je voulais devenir fleuriste Â». 
Parallèlement, la photographie l’intéresse beaucoup mais les études sont coûteuses, aussi Nicolas Pavone se forme de manière autodidacte et développe sa pratique en même temps qu’il apprend son métier de fleuriste. Après des études débutées en 2007 à l'Ecole des Fleuristes de Paris, il travaille actuellement pour un professionnel reconnu dans le 8e arrondissement de Paris.

Tout comme les fleurs, les miroirs font partie de lui. Il me dit que chez ses parents « il y a des miroirs partout. J’ai pour habitude de cohabiter avec eux. J’avais toujours devant les yeux cet aspect de profondeur et de perspective. A mes débuts, j’ai fait des photos de fleurs et de paysages, juste avec des miroirs, sans intervenir davantage sur la réalité. Puis j’ai commencé à jouer sur le travail floral en venant construire par-dessus une mise en scène, une perspective qui pouvait jouer sur les mouvements, les couleurs, etc. par la multiplication des reflets dans les miroirs Â». Il ajoute « Ma passion me prend, me dévore (…) Ma technique est un peu avant-gardiste avec ce côté nature, les fleurs, mélangé au monde parallèle, futuriste, lointain. D’où le cheminement à chaque fois, de cette composition florale au centre, et cette continuité en cercles ou mouvements rendus par les miroirs (…) C’est vraiment une passion, c’est quelque chose qu’on a en soi, qu’on ne maitrise pas, qu’on ne contrôle pas. On le fait parce qu’on aime ça Â».

Nicolas Pavone prend beaucoup de temps à la réalisation de ses images. « Avant de poser mes fleurs, je travaille le fond - cuir, papier, plastique, etc. - et suivant ce fond je sélectionne les fleurs, les couleurs, les formes des pétales et des fleurs elles-mêmes (…) Puis les miroirs. Des fois il y a des résultats étonnants. Les fleurs sont éphémères, sans eau, au bout d’une heure, elles fanent. Et selon le type d’éclairage, naturel, studio, ensoleillé ou nuageux, les couleurs varient. Je veux garder le côté naturel et simple, je ne veux pas que ce soit sur-joué Â».

Aucune de ses photographies n’est retouchée. Nicolas Pavone s’attarde à rendre en photo, l’illusion qu’il a créée dans et à partir du réel. Â« Au fur et à mesure de mon travail, je me suis aperçu qu’en faisant ce genre de photos, j’arrivais à communier avec tous les éléments. Entre l’installation et le dernier cliché, il peut s’écouler plusieurs heures pendant lesquelles je ressens des émotions, vis-à-vis de la lumière qui sublime les couleurs, et vis-à-vis des fleurs avec lesquelles je compose. La nature et les fleurs sont l’essence de mon travail (…) Beaucoup de gens ont pensé que je retravaillais mes images, mais ce n’est pas le cas. Il y a un travail au centre et le jeu de miroirs qui multiplie le mouvement, les couleurs et l’espace Â».

Nicolas a participé à une exposition collective « un autre regard Â» en 2012 à la Galerie Montparnasse. Cela lui a permis, entre autres, d’échanger avec des fleuristes expérimentés et de se nourrir de leurs critiques, avis et conseils. Beaucoup d’ailleurs apprécient et suivent l’évolution de son travail. 

Rêveur dans l’âme, il m’avoue qu’il est difficile de répondre aux questions que se posent les spectateurs sur son travail. « Je fais les choses comme je les ressens sur le moment (…) Un miroir abandonné en pleine forêt, je trouve cela magnifique. Expliquer pourquoi, c’est plus délicat Â».

Portraits.

Nicolas Pavone a également réalisé toute une série de photographies sur lesquelles se superposent portrait et fleurs. « Je joue beaucoup sur les mouvements du visage et de l’expression. Quand on pense aux fleurs, on pense au charme, aux odeurs, aux volumes, aux perceptions, etc. Je crois que l’être humain a un rapport avec les fleurs qu’il ne cautionne pas encore. Il y a une connexion entre les gens, la nature et les fleurs. J’ai envie de faire cette connexion. J’aimerai réaliser plus de photos avec des gens dont le rapport aux fleurs n’est pas de prime abord évident, comme un éboueur, un ouvrier, un inconnu dans la rue, ou encore un SDF Â».

Ce travail de post-traitement est une jonction entre ce qu’il peut faire aujourd’hui et ce qu’il aimerait développer demain. Il m’explique qu’en effet il voudrait travailler les matières directement sur le visage. « Je suis en contact avec un atelier de découpe qui va me confectionner des petits carrés de miroirs afin de réaliser un travail « d’écailles Â», c’est une autre façon de penser. Je souhaite passer du virtuel au réel, montrer aux gens que l’illusion qu’on arrive à transmettre peut être transformée en réel. On peut voir de ses propres yeux une structure architecturale et pas seulement au travers de photos. Je pense aux Å“uvres de Julio Le Parc dont on peut toucher, observer, regarder la structure (…) J’aimerai jouer sur le réel, en créant par exemple une coiffe miroir, un chapeau un peu « dingue Â» et jouer sur les reflets des fleurs ensuite Â». 

Inspiré par la mode comme en témoignent les dessins et les peintures qu’il réalise aussi, Nicolas Pavone participera à la promotion d’une nouvelle ligne de vêtements qui verra le jour en janvier 2015 et dont le styliste partage sa sensibilité de la mise en scène et des miroirs. Il me dit être très intéressé par le travail de mise en scène autour des défilés. « Je suis encore jeune, l’avenir est fait de surprises Â».

 

 

« Plus il y a de simplicité, mieux c’est. Et plus il y a de détails et de volumes, plus l’image est intéressante » 

 

Nicolas Pavone cultive un langage qui lui est propre, marqué par une croyance dans la nature qu’il traduit dans ses images. A la fois inspirées, sublimées, transformées, capturées, les fleurs révèlent leurs esthétiques démultipliées par leurs reflets, comme si la beauté n’avait aucune limite. 

Il crée ainsi une connexion entre la nature et l’être humain, avec pour cheminement le miroir, qu'il définit comme un « passage Â» entre la perception et le réel. 

Son oeuvre est à la fois maîtrisée et le fruit d'heureux hasards; s'alimentant des différentes rencontres qu'il peut faire. Pleines de poésie et de louanges à l'univers floral, ses photographies capture et prolonge l'âme de la nature.


Merci à vous Nicolas, pour cet agréable moment, et d’avoir échanger avec moi de façon simple, naturelle et sincère.

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